Restons encore un peu avec Jacques Blanchard…
… et permettons qu’un visage s’accroche à ce nom. Voici donc notre homme.
Gérard Edelinck, Jacques Blanchard peintre ordinaire du Roy, d’après un Autoportrait de Jacques Blanchard, gravure 25,5 cm x 19 cm, 1700. Collection personnelle.
Dire de cette gravure qu’elle fut exécutée en 1700 par Gérard Edelinck pour figurer au frontispice de la notice concernant Blanchard dans le tome II des Hommes illustres de Charles Perrault, c’est déjà dire l’estime dans laquelle on tenait encore notre peintre – surnommé le Titien français - 62 ans après sa mort. Et ce en dépit d’une carrière bien courte : 10 ans à peine.
Préciser que cette gravure fut exécutée à partir d’un autoportrait, c’est autant rappeler l’existence du tableau qu’elle interprète - tableau perdu d’ailleurs ( mais l’est-il vraiment ?) – que cet objet toujours singulier à travers lequel l’artiste se donne à voir en même temps qu’il se regarde. Qu’en voit-on donc ?
Il faut passer outre ce qui n’est que mise en page pour le projet de Perrault (l’occulus, le médaillon, la tablette, l’inscription) et s’attacher au reste qui doit correspondre assez exactement - sur ce point on peut faire confiance à Edelinck ! – à l’image véhiculée par le tableau.
Cette image est celle d’un jeune homme de 30-32 ans à la grâce négligée dont le statut de peintre semble secondaire puisqu’aucun attribut ne vient ostensiblement l’affirmer. Sa mise est conforme à cette mode si équilibrée qui traverse les œuvres de Callot et d’Abraham Bosse en même temps qu’elle enveloppe les élégants du règne de Louis XIII ; chemise blanche sous un pourpoint entrouvert au ventre et tailladé de larges chiquenades ; col rabattu orné de glands et bordé de dentelles, replié sur les épaules comme un avatar fané des fraises du siècle précédent ; cheveux naturels, longs, se terminant en une sorte de cadenette ; moustache étirée et barbiche pointue à la royale.
Une belle lumière tombe droite sur l’avant du buste tourné de ¾ et donne l’impression que l’artiste sort discrètement de la pénombre. Le fond est neutre. La tête se penche un peu. Le regard doux se dérobe avec mélancolie et suggère une activité intérieure dense à moins qu’il ne s’agisse de nonchalance. Il y a comme quelque chose d’un instant suspendu.
Chacun interprétera cet ensemble de signes comme bon lui semble. Personnellement, j’y vois beaucoup de ce qui fait la subtilité et la sensibilité de l’art de Jacques Blanchard.