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17 octobre 2021 7 17 /10 /octobre /2021 11:57
Philippe de CHAMPAIGNE, Portrait de Louis de Béthune, comte, puis duc de Charost, vers 1655, huile sure toile (restaurée), 60 x 72 cm. Collection du musée du Grand Siècle. Photo Wikipédia.

Philippe de CHAMPAIGNE, Portrait de Louis de Béthune, comte, puis duc de Charost, vers 1655, huile sure toile (restaurée), 60 x 72 cm. Collection du musée du Grand Siècle. Photo Wikipédia.

 

In fine.

 

Après quelques années passées à interroger ce portait peint , à en proposer ici une lecture ou une compréhension qui puisse alimenter ce qui à l'origine n'était qu'une hypothèse soutenue essentiellement par l'intuition , voilà que l'objet en question prend aujourd'hui une place nouvelle : celle qui lui est due.

 

On peut donc enfin admirer ce « Portrait de Louis de Béthune, comte, puis duc de Charost » rendu à Philippe de Champaigne, au Petit château du Domaine départemental de Sceaux dans les Hauts de Seine, avant qu’il ne rejoigne, dans quatre ans, le bâtiment principal de l’ancienne caserne de Sully à Saint Cloud. Car c’est bien à la collection du futur musée du Grand Siècle qu’appartient désormais « notre » portrait. Nul doute qu’il s’ajustera sans peine dans un ensemble d’objets remarquables consacré au XVII è siècle français, d’Henri IV à la Régence, fondé sur la donation des collections de Pierre Rosenberg au Département des Hauts de Seine. Les choses sont à venir, concernant ce grand projet dont le Petit château du Domaine de Sceaux n’est autre que la préfiguration.

 

Suite à sa restauration Le portrait de Louis de Béthune-Charost, a retrouvé quelque chose de son éclat passé et même si le regard du modèle reste comme éteint - c’était sans doute la part définitivement perdue de ce tableau - la rhétorique serrée de l’œuvre fonctionne encore fort bien. Pour l’avoir revu sur place, je crois desceller à proximité du bord droit, les traces d’un ciel qui conforte dans l’idée que les rapports de lumières entre la figure et le fond devaient sans doute être plus subtiles. On peut imaginer qu’un fond un peu plus clair, jouant comme à l’avant des tons chauds et froids, devait atténuer cette impression que le modèle  « sort de l’ombre » . Même si en l’occurrence…c’est assez le cas...

Les choix de restauration semblent avoir été de conserver certaines traces de l’histoire de ce tableau : l’inscription sur laquelle chacun s’accorde à considérer qu’elle est postérieure - voire très postérieure - à son exécution, parce que erronée ; le ruban bleu de l’Ordre du Saint-Esprit qui est un rajout qu’on ne peut décidément donner à la main de Champaigne et qui ici, sensiblement allégé, laisse apparaître la sangle de cuir qui soutient l’épée que porte Louis de Béthune au côté gauche et dont on aperçoit le pommeau sous son bâton de commandement.

Un autre détail révélé par la restauration est ce grain de beauté marquant la tempe droite du modèle. Il ne peut échapper au regard, tant Philippe de Champaigne ne semble pas s’être particulièrement appliqué à l’y soustraire. Si l’hypothèse que nous formulions dans un précédent article selon laquelle le portrait au lavis de la collection Clairambault, comme le portrait en pied du château de Sully, tous deux situés entre la fin du XVIIè siècle et le début du XVIIIè, dérivent bien de ce portrait, alors on peut avancer que le grain de beauté en question dut être recouvert assez tôt, puisqu’il n’apparaît dans aucune des deux représentations. On comprend les motivations d’une telle coquetterie, faute de pouvoir en situer précisément l’origine. Visuellement, la singularité chagrine mais pour Philippe de Champaigne, en tout cas, elle semble avoir été pleinement assumée.

 

L’étude de ce tableau sera approfondie par d’autres et heureusement enrichie de nouveaux éléments qui viendront confirmer ou infirmer quelques idées émises ici. C’est dans l’ordre des choses et cet ordre là est le bon. Mais enfin, si je peux dire ma satisfaction de savoir cette œuvre entre de bonnes mains voire m’enorgueillir de la savoir intégrée à un projet d’envergure nationale, je ne parviendrai définitivement jamais à dire ce que l’observation intime de cette peinture a bien pu m’apporter... tant elle m’a apporté. 

In fine… ce qui reste et restera entre elle et moi.

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28 avril 2015 2 28 /04 /avril /2015 06:30
ATTRIBUTION : Un nouveau tableau de Philippe de Champaigne ? (Partie 4)
Philippe de CHAMPAIGNE ou atelier (?), Portrait de Louis de Béthune, duc de Charost, vers 1650, huile sur toile, non signée non datée, 72 cm x 60 cm. Collection particulière. (détail)

L'identité du modèle

A priori, celle-ci se trouve d'emblée acquise par une inscription dans la partie supérieure du tableau : « Le M[ar]quis de Charosl ». Mais quel crédit lui accorder alors que rien de tangible ne peut y être rattaché et qu'aucune figure historique ne s'esquisse autour d'un tel titre associé à un tel nom ? Inscription postérieure et intéressée destinée à pousser la valeur marchande de l'oeuvre ? Inscription tardive tentant de repréciser quelque chose d'une mémoire déjà presque perdue ? Falsification, erreur ...?

De fait, si « Charosl » conduit vite à l'impasse, tout s'articule mieux si l'on suit « Charost » : un village entre Bourges et Issoudun, une seigneurie rachetée, en 1608 à François Chabot, marquis de Mirebeau par Philippe de Béthune, frère du célèbre Maximilien de Béthune plus connu sous le nom de duc de Sully. On trouve alors un marquis de Charost, en la personne de Louis Armand Ier de Béthune qui deviendra duc de Charost, en 1681, nous dit-on. Mais il est né en 1641 ; il n'appartient donc pas à la génération de notre tableau. Son père, en revanche, Louis de Béthune, comte puis duc de Charost, fils de Philippe de Béthune et neveu de Sully, né en 1605, serait pour nous, un meilleur client... à ceci près que le titre de marquis de Charost, dans les quelques documents que nous avons pu consulter, ne lui est jamais associé. Cette inscription reste donc assez sujette à caution et nous pensons que son auteur fait tout bonnement confusion, entre le fils et le père ; tout comme il ne tient qu'à un trait de confondre un "l" et un "t"... et ce trait là, ou plutôt son absence, pourrait être due au pinceau malheureux d'un restaurateur. En tout état de cause, tout porte à croire que cette inscription est postérieure à l'exécution du tableau.

Quoi qu'il en soit et parce que nous n'avons trouvé de mention ancienne associant clairement le titre de marquis de Charost qu'aux noms des descendants de Louis de Béthune et non à lui-même, nous avons délibérément choisi, pour des raisons pratiques, et parce qu'il apparaît souvent ainsi, quelques fois encore comme « sieur » ou « comte » de Charost, ou même comme « duc de Béthune », dès 1672, d'identifier notre modèle comme étant « Louis de Béthune, duc de Charost » bien qu'il ne soit pas acquis qu'il ait porté officiellement ce titre avant cette date de 1672. Le qualifier de « Comte de Charost », vers 1650, serait certainement plus juste.

Un tel choix n'est pas indépendant de la découverte d'un précieux document de la collection de Pierre et Nicolas-Pascal Clairambault, généalogistes des ordres du roi, dans la seconde série des volumes consacrés à l'Histoire de l'ordre du Saint Esprit. Recueil chronologique des notices généalogiques, pièces, dessins et portraits peints ou gravés concernant les membres de l'ordre. CXXVI, années 1656 –1661. Cet ensemble hétéroclite de documents écrits et visuels compilés vraisemblablement entre 1670 et 1760, contient un portrait au lavis d'encre légendé comme étant celui de Louis de Béthune, Duc de Charost, Capitaine des Gardes du Corps du Roy, Gouverneur de Calais, fait Chevalier des Ordres le 31 Décembre 1661.

ATTRIBUTION : Un nouveau tableau de Philippe de Champaigne ? (Partie 4)
Anonyme, Louis de Béthune, Duc de Charost, Capitaine des Gardes du Corps du Roy, Gouverneur de Calais, fait Chevalier des Ordres le 31 Décembre 1661, lavis à l'encre sur papier. BnF, collection Clairambault.

Ce dessin anonyme scelle de manière définitive le nom de Louis de Béthune à Charost autant qu'à notre composition dont il reprend l'essentiel. Mais bien qu'il soit fort utile à confirmer l'identité du modèle, on ne peut affirmer eu égard à quelques différences notables, qu'il constitue bien une traduction fidèle de notre peinture. Quel sens donner à ces différences ?

Lorsque Louis de Béthune est fait chevalier de l'ordre du Saint-Esprit, à la fin de l'année 1661, il a 56 ans, ce qui semble correspondre à l'âge que l'on peut lui supposer à la vue du lavis alors que notre tableau le montre sensiblement plus jeune. Les dentelles de son col, aux formes larges et ajourées sont en accord avec la mode des années 1660 et différent de la peinture où c'est à la mode des années 1650 qu'il faut les associer. En toute logique, Charost arbore le ruban de l'ordre du saint esprit qui croise son écharpe de commandement, et sous sa main droite se devine, péniblement, une des quatre branches de la croix du même ordre.

Sans trop se risquer, on peut avancer l'hypothèse que le document Clairambault s'appuie bien sur notre tableau ou une image équivalente pour le conformer à un événement postérieur d'une petite dizaine d'années en le réactualisant, sans en bouleverser l'organisation d'ensemble, bien qu'elle soit peu à même de montrer l'insigne de l'ordre royal qui est pourtant au cœur du propos. Et ça n'est pas faute d'avoir essayé, en fermant l'angle entre le bras et l'avant-bras du modèle pour dégager un peu d'espace propre à révéler le dit insigne.

Si l'on se penche sur notre tableau, sous la main de Charost, à la place de la croix de l'ordre du Saint Esprit, il n'y a strictement rien, sinon le brun clair du fond d'origine, alors que curieusement, entre le col et l'écharpe de commandement, figure bien le ruban moiré sensé soutenir cette croix.

Selon nous, ce ruban est clairement un rajout ; il est d'un bleu vert trop sombre et ses moirures sont grossièrement rendues ; sa qualité diffère du reste. Visiblement, notre tableau a subi cette correction partielle en vue d'être mis à jour au moment ou après que Louis de Béthune ait été fait chevalier de l'ordre du Saint-Esprit. Ces détails bien qu'apparemment troublants, tendent finalement à conforter l'idée que notre tableau est bien antérieur à 1661.

Pour ce qui regarde le lavis de la collection Clairambault, sa légende laisse sous-entendre que Louis de Béthune est encore "Capitaine des Gardes du Roy" au moment de sa rédaction, alors qu'il se démit de cette charge en 1672. Il faudrait donc en déduire que ce document a été réalisé entre 1661 et 1672. Notons, pour terminer, qu'il choisit de s'accommoder d'une composition préexistante pourtant mal adaptée. Peut-être que cette composition faisait alors encore assez autorité pour être respectée, plus vraisemblablement en raison de son caractère unique – comme si ne « circulait » que cette effigie du duc de Charost – plutôt que par égard envers son inventeur qui semble avoir été oublié ou négligé, dans l'affaire, puisqu'il n'est pas cité.

On serait porté à voir dans le portrait anonyme de Louis de Béthune, duc de Charost présenté au château de Sully-sur-Loire, une autre version du duc, dont notre tableau – ou une image similaire – pourrait bien être la source éloignée, même si les écarts sont bien plus importants que dans le cas du lavis précédent. On y ressent un travail d'adaptation au programme (celui d'une galerie de portraits de famille), de reconstruction a posteriori, effectué maladroitement, probablement sans observation directe du modèle, soit qu'il ait été absent ou déjà mort, mais qui conserve assez de la physionomie du visage pour que l'on puisse parler de ressemblance et lui supposer une source suffisant à l'exercice. Sa datation trop large, entre le XVIIè et le XVIIIè siècle n'autorise cependant aucune conclusion et n'ouvre la voie qu'à la conjecture.

De fait, reconnaissons-le, pas un de ces autres portraits de Louis de Béthune ne permet d'étayer notre proposition d'attribution...

ATTRIBUTION : Un nouveau tableau de Philippe de Champaigne ? (Partie 4)

Auteur anonyme, Louis de Béthune, duc de Charost, XVIIè ou XVIIIè siècle, huile sur toile, 205 cm x 155 cm. Château de Sully sur-Loire.

Le « vieux routier de cour »

Fils de Philippe de Béthune et de Catherine le Bouteiller de Senlis, neveu de Maximilieu de Béthune, duc de Sully, Louis de Béthune est né à Paris le 5 février 1605. Il eut pour parrain Louis XIII, alors dauphin et pour marraine, Elisabeth de France future reine d'Espagne. Sa carrière militaire est particulièrement riche et bien documentée. Mais se contenter de dresser ici la liste de ses faits d'armes ne rendrait pas assez compte de l'estime dont jouissait notre homme en son temps. Laissons plutôt parler l'un de ses contemporains et pas le moindre...

Louis XIV, à l'occasion de l'érection du duché-pairie de Béthune-Charost, en faveur de Louis et Armand de Béthune, en mars 1672, s'exprimait en ces termes, bien difficiles à synthétiser tant le texte est émaillé d'éloges : « L'application que Nous avons au gouvernement de notre Royaume, Nous a fait connoitre par notre propre experience qu'il est également important pour notre réputation et pour la gloire de notre Estat, d'en remplir les premieres dignitez par des Sujets qui en puissent soutenir l'éclat et la grandeur, autant par leurs qualitez personnelles, que par les biens, charges et employs qu'ils possedent dans ledit Royaume, et la bonne volonté que Nous avons toujours eüe pour notre cher et bien-amé Loüis de Bethune, comte de Charost, chevalier de nos Ordres, lieutent-General en nos Armées, Gouverneur de Calais, Fort Nieulay et Pays reconquis, ancien Capitaine des Gardes de notre Corps, Nous rappellons très agréablement le souvenir des recommandables services qu'il a rendus à cette Couronne depuis cinquante ans et toutes les occasions de guerre qui se sont présentées tant en qualité de Mestre de Camp du Regiment de Picardie, aux sièges de la Rochelle, de Privas, de Pignerol, Aletz, à l'attaque du pont de Carignan, et au combat de Veillante, qu'en celle de Gouverneur des villes et Citadelles de Stenay Dun, et de Jametz en Lorraine, où il a souvent signalé son courage et sa valeur, ainsi qu'il a fait depuis dans Luxembourg en qualité de Maréchal de Camp, sous le feu sieur comte de Soissons, ayant fait une retraite glorieuse avec trois cens chevaux et trois cens fantassins seulement, devant une armée de Polonois et de Cravattes, composée de neuf mille chevaux, dont il soûtint l'attaque avec tant de fermeté et de vigueur, qu'encore que son cheval eût été blessé de neuf coups , et tué sous lui, il essuya tout le feu des Ennemis, et après avoir soigneusement ralliez son Infanterie, le retira à sa tête dans un très-bon ordre ; le bonheur qu'il eut aussi l'an mil six cent cinquante-six de secourir nos villes d'Amiens et d'Abeville à la veuë de l'armée d'Espagne, composée de quarante mille hommes, commandés par le Cardinal Infant, lui ayant fait mériter ledit gouvernement de Calais, Fort de Nieulay et Pays reconquis, dont il fut lors pourveu par notre très-honoré Seigneur et Pere, Nous voulumes bien à son exemple, et par l'avis de la Reine notre très-honoré Dame et mere, lors regente de notre Personne et du Royaume, témoigner audit sieur comte de Charost, la satisfaction qui Nous restoit des importants et recommandables services qu'il Nous rendit ensuite aux sieges d'Aire et de Gravelin, et pour lui en donner un témoignage qui ne fut pas moins éclatant dans le public, qu'il étoit essentiel pour l'établissement de la famille, Nous accordâmes la survivance des sa charge de Capitaine des Gardes de notre Corps, à notre cher et bien-amé Armand de Bethune, marquis de Charost son fils, bien qu'il ne fut lors âgé que de quatre ans, et voulumes même lui en assurer l'exercice dès-lors qu'il auroit atteint sa dixiéme année, aussi ledit comte de Charost Nous a-t'il donné en toutes occasions des marques si assurées de sa reconnoissance et sa fidelité inviolable à notre service, que dans les temps même les plus difficiles, il a sçu encore meriter la qualité de duc et pair de France, que Nous lui assurâmes par notre Brevet du trois Février mil six cent cinquante-un, et aïant pris depuis un soin particulier de répondre toujours dignement à cet honneur, il profita glorieusement de la nouveelle occasion qu'il eut de se signaler à la prise du Fort-Philippe, qui causa une deversion d'armée aux Espagnols qui nous fut très-avantageuse pendant le siege d'Arras, mais cette action quoique très-vigoureuse, aïant été suivie d'un autre bien plus considerable en mil six cent cinquante-sept, auquel temps notre ville de Calais se trouvant dépourvûë de la plus grande partie de sa garnison que nous avions été obligé d'en tirer pour la sûreté d'Ardres et autres Places qui sembloient en avoir plus besoin pendant le siege de Montmedy, où notre armée étoit occupée. Les Espagnols assemblerent toutes leurs forces pour surprendre cette Place ainsi dégarnie, mais ledit sieur Comte soutint si vaillamment leur attaque avec le peu d'hommes qu'il étoient restez, que ce fut principalement par son courage, prudence et bonne conduite que nous conservâmes pour lors cette importante Place, aussi aïant voulu qu'elle servit de monument et marque perpetuelle de sa fidelité et de sa valeur, Nous résolûmes de notre propre mouvement d'en continuer le gouvernement dans sa famille et en fîmes à cet effet expedier la survivance en faveur dudit sieur marquis de Charost, à quoi nous nous portâmes d'autant plus volontiers que Nous regardions dès-lors le zele, l'affection et la fidelité dudit sieur comte de Charost, comme hereditaires dans la famille, puisqu'il a non seulement en cela imité l'exemple de ses ayeux, singulierement celui de notre très-cher et bien amé Philippe de Bethune, Chevalier de nos Ordres, Comte de Selles et de Charost son pere […] mais qu'outre cela ledit sieur Comte de Charost a encore pris une attache particuliere de transmettre et faire passer tous ces bons sentiments en la personne dudit sieur marquis de Charost son fils […] en sorte que ce n'est pas seulement l'extrême satisfaction qui Nous reste des grands et importants services du pere, mais encore la consideration particuliere du fils, et le merite qu'il s'est déjà acquis auprès de Nous qui Nous convie à ériger la terre de Charost en titre et dignité de Duché et Pairie de France, et les rendre dès à présent l'un et l'autre participans de tous les droits, honneurs et prééminences qui y sont attachez ; en quoi Nous avons consideré aussi que lesdits sieurs comte et marquis de Charost pere et fils, sont issus de la maison des anciens Seigneurs de Bethune, l'une des plus anciennes et plus illustres de notre Royaume, que les Histoires et titres de leur famille justifient estre alliée aux maisons Royales, et autres grandes maisons de l'Europe ; et étant d'ailleurs bien informez que ladite Ville, Terre et Seigneurie de Charost en Berry, avec celles de Millandres, Fontmoreau, Grand et Petit Bois, Boisseau et Peluis, mouvantes de Nous, à cause de notre grosse Tour d'Issoudun, et Terre et Segneurie de Fublains aussi mouvante de Nous, à cause de notre Chasteau de Mehun sur Yevre et leurs dépendances appartenans audit sieur Comte de Charost, sont assez considerables pour soutenir le Nom, Titre et Dignité de Duché. […] Nous voulons que ledit Duché et Pairie soit appellé Duché et Pairie de Bethune-Charost […] et que dès à présent et dorénavant nosdits cousins soient nommez : Sçavoir, notredit cousin Loüis de Bethune, Duc de Bethune, Pair de France, notredit cousin Armand de Bethune, Duc de Charost, Pair de France... ».

Plus tard, Saint Simon, à l'année 1711, Chapitre XVIII de ses Mémoires, écrivait : « Ce comte de Charost se trouva un homme de mérite qui se distingua fort dans toutes les guerres de son temps, et qui y eut toujours des emplois considérables. Il s'attacha au cardinal de Richelieu, jusqu'à s'en faire créature ; cette protection lui valut la charge de capitaine des gardes du corps […].

Le cardinal de Mazarin, qui se piqua d'aimer et d'avancer tout ce qui avait particulièrement été attaché au cardinal de Richelieu, rechercha l'amitié du Comte de Charost, et le mit en grande considération auprès de la reine mère, et ensuite auprès du roi, qui le regardèrent toujours comme un homme de tête et de valeur.»

Louis de Béthune apparaît ici comme un homme respecté à la cour. Plus loin, Saint Simon le qualifie de « vieux routier de cour », d'« habile homme » et relate qu'il a su se montrer fin politique à son propre avantage et au bénéfice de ses descendants. C'était un homme intelligent et d'une extrême droiture, à n'en pas douter.

Mais plus qu'une fidélité au royaume de France, qu'une aptitude à servir pour être mieux servi, ces quelques lignes indiquent surtout le lien particulier unissant Louis de Béthune à Richelieu. Ajoutons-y un témoignage directe, par cet extrait d'un billet du 26 juin 1637, adressé à Charost par Richelieu lui-même et la qualité d'un tel lien n'en sera que plus palpable: " Brave Charost [...]. Assurez-vous toujours de l'affection de celui qui est et sera toujours le meilleur ami du cadet de Béthune et votre très affectionné à vous servir. " (AVENEL, Lettres du Cardinal de Richelieu, t.V p 595). Ce pourrait être ici le point de convergence rendant possibles d'éventuels contacts entre Philippe de Champaigne, portraitiste quasi attitré du prélat et notre duc de Charost.

Question de date.

Nous l'avons dit, aucune date n'accompagne le tableau qui nous occupe. L'inscription elle-même, trop peu fiable, ne fournit aucun élément direct ou indirect sur ce point. Dans l'hypothèse où elle s'avérait juste, nous pourrions toutefois avancer que Louis de Béthune aurait pu être dit "marquis de Charost" jusqu' à la mort de son père, Philippe de Béthune, pour hériter à la suite, du comté de Charost. Notre tableau serait alors antérieur à 1649.

L'indice le plus significatif reste celui du col porté par Louis de Béthune. Il s'agit d'une version simplifiée du grand col rabattu ou col à rabats de dentelle qui avait marqué le règne de Louis XIII. Réduit en taille et bordé de festons de moins en moins prononcés, durant la décennie 1640-1650, il prit la forme plus linéaire qu'on lui voit ici, dans les années 1650-1655, avant de s'étendre encore sur les épaules et la poitrine, s'ajourer de dentelles plus larges, vers 1660, pour finalement être remplacé par la cravate.

Louis de Béthune étant né en 1605, il serait donc âgé de 45-50 ans, en 1650-1655 ; ce qui ne semble pas entrer en contradiction avec l'image qui en est donnée par le peintre.

A cette époque, sa carrière militaire au service du royaume de France est déjà remarquable. Ses actions lors de différents sièges et batailles lui ont valu des charges et responsabilités d' importance : il était devenu maître de camp du régiment de Picardie, dès 1627, avait obtenu le gouvernement des ville et citadelle de Stenay, en 1633, le commandement de la seconde Compagnie française des Gardes du corps du Roi, en 1634 ; avait été créé maréchal de camp, en 1636. A cette même date, il avait obtenu le gouvernement des ville et citadelle de Calais et pays reconquis avant d'être nommé gouverneur de Fort Nieulay, en 1642.

Par provisions du 20 septembre 1650, il est créé Lieutenant Général des Armées du Roi et en février 1651, il obtient de Louis XIV, un brevet qui lui assure la qualité de duc et pair de France. Même si il trouvera encore à se distinguer par la prise de Fort Philippe, en 1654 puis la sauvegarde héroïque de Calais, en 1657, on peut penser qu'aux alentours de 1650-1651, Louis de Béthune est déjà dans une gloire telle qu'il puisse légitimement souhaiter en transmettre une part à la postérité par le biais d'un portrait - à moins qu'on l'ait souhaité pour lui... - Et ce d'autant plus, qu'en août 1648, il avait été disgracié et destitué de la Compagnie des Gardes du Roi pour avoir refusé, en dépit des ordres de la Reine Mère, de servir à la place du marquis de Gesvres ; une affaire assez importante pour que Philippe de Béthune, le père, ait cherché à intervenir auprès d'Anne d'Autriche et de Mazarin pour la réhabilitation du fils. Finalement rétabli par provisions du 9 novembre 1649, il pouvait estimer, suite à cet épisode, que la considération dont il jouissait alors était propre à faire plier les plus hautes influences du pouvoir.

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27 avril 2015 1 27 /04 /avril /2015 07:58

Philippe de CHAMPAIGNE ou atelier (?), Portrait de Louis de Béthune, duc de Charost, vers 1650, huile sur toile, non signée, non datée, 72 cm x 60 cm. Collection particulière.

Partie 1 : http://van-acker.over-blog.com/2015/01/un-nouveau-tableau-de-philippe-de-champaigne.html

Partie 2 : http://van-acker.over-blog.com/2015/01/attribution-un-nouveau-tableau-de-philippe-de-champaigne-partie-2.html

Mains et manière

Notre portrait dérive des formules du souverain au bâton de commandement développées par Titien, au XVIè siècle et qui devaient connaître, ensuite, une fortune certaine, en de multiples déclinaisons et digressions. Mais plus qu'à la rhétorique du geste et de l'attribut – qui s'accordent parfaitement, on le verra plus tard, aux éléments biographiques que nous connaissons de Louis de Béthune, lequel "se trouva un homme de mérite qui se distingua fort dans toutes les guerres de son temps", (Saint Simon, Mémoires.) - intéressons-nous à cette main qui rappelle fortement celles portées au premier plan dans le Portrait de Louis XIII conservé au Musée du Prado et dans le Portrait de Robert Arnaud d'Andilly âgé présenté au Louvre. Une ancienne restauration là encore, en a quelque peu entamé la justesse anatomique mais elle conserve la même présence ; celle d'un motif en soi, placé entre le spectateur et le modèle, auquel Philippe de Champaigne eut souvent recours.

Philippe de CHAMPAIGNE, Portrait de Louis XIII, 1655, huile sur toile. Madrid, Musée Prado.

Philippe de CHAMPAIGNE, Portrait de Robert Arnaud d'Andilly âgé, 1667, huile sur toile, 78,5 cm x 64,5 cm. Paris, musée du Louvre.

Philippe de CHAMPAIGNE ou atelier (?), Portrait de Louis de Béthune Charost, vers 1650 (détail).

Philippe de CHAMPAIGNE, Portrait de Robert Arnaud d'Andilly agé, 1667, huile sur toile, 78,5 cm x 64,5 cm. Paris, musée du Louvre. (détail)

Philippe de CHAMPAIGNE, La Grande Cène, vers 1652, huile sur toile, 181 x 265. Lyon, musée des Beaux-Arts.

La main de Robert Arnaud d'Andilly paraît d'un modelé plus contrasté, plus fouillé dans le détail, encore peut-on tenir compte de l'orientation opposée de la lumière qui dessine mieux les bases enflées des métacarpes, de l'âge plus avancé du modèle inscrit jusque dans les plis de sa peau et, puisque les deux tableaux sont probablement peints à au moins dix ans d'intervalle, de l'évolution possible de la technique même de l'auteur. L'épiderme de cette main est animé de hachures claires que l'on ne retrouve pas sur la main de Louis de Béthune mais sous ce traitement graphique de surface (observable aussi sur le visage) nous croyons néanmoins déceler une même manière de galber les volumes à l'aide d'une brosse large et assez raide pour "griffer" légèrement la peinture.

Certes, on reconnaîtrait plus aisément Champaigne dans une forme de main plus gracile mais La Grande Cène, du musée des Beaux-Arts de Lyon, offre bien un exemple comparable d'un type de main, refermée et puissante, dans celle que l'apôtre Pierre, à droite du Christ, appuie lourdement sur la table.

Dans notre tableau, il est clair que cette main forte empoignant le bâton de commandement, est de nature à souligner au mieux les actions militaires du modèle autant que son caractère déterminé et prompt. Nous sommes manifestement, en présence de cette image de Charost, face à un homme de tête.

On trouve ailleurs, d'autres détails qui poussent à situer a minima notre tableau dans la sphère d'influence directe de Philippe de Champaigne, plutôt qu'à lui accorder plus modestement le statut de « copie d'après » effectuée hors des enseignements du maître.

Les rehauts de blanc dans l'écharpe de satin de Louis de Béthune relèvent d'une écriture à la fois vive et juste, imprimée dans une matière chargée "à la Rubens", parfois fortement étirée, presque filandreuse, exemptée de cette application laborieuse que pourrait supposer la copie ; une écriture dont on retrouve l'écho dans le linceul du Christ mort du Louvre, bien qu'étendue sur bois.

Les drapés blancs, plus bouillonnants et moins rigides sont, chez Champaigne, volontiers épaissis de ces mêmes charges destinées à accrocher la lumière, appliquées avec plus de vivacité encore. Elles s'opposent, souvent, à quelques séries de petits traits parallèles gris - sorte de hachures - marquants certaines ombres de leur netteté toute graphique. Ces jeux entre traits et empâtements sont présents dans le linge immaculé sur lequel repose l'enfant Jésus, dans La Nativité du palais des Beaux-Arts de Lille, par exemple ; on les repère sur la manche de chemise de Colbert dans le Portrait de Colbert de New York, déjà cité (Partie 2) ou encore, sur le linge enveloppant l'enfant allaité dans La Charité du musée des Beaux-Arts de Nancy. Le détail n'est pas aisé à reproduire ici, surtout pour des oeuvres faiblement éclairées mais nous proposons tout de même de le localiser, dans le dernier exemple cité, sur un plis saillant, juste à gauche du coussin sur lequel est assis l'enfant allaité.

L'observation de la manche de Louis de Béthune, permet de relever clairement ce que nous tentons d'exprimer et qui nous semble pouvoir constituer une sorte de signature, une façon d'animer, de modeler certaines surfaces, propre à Philippe de Champaigne.

Philippe de CHAMPAIGNE ou atelier (?), Portrait de Louis de Béthune Charost, vers 1650. (détail)

Philippe de CHAMPAIGNE, Le Christ mort, avant 1654, huile sur bois, 68 x 197 cm. Paris, musée du Louvre.

Philippe de CHAMPAIGNE, La Charité, huile sur toile, 157 x 132 cm. Nancy, musée des Beaux-Arts. (détail)

Philippe de CHAMPAIGNE ou atelier (?), Portrait de Louis de Béthune, duc de Charost, vers 1650, huile sur toile, non signée, non datée, 72 cm x 60 cm. Collection particulière. (détail)

Ce sens de la hachure plus ou moins régulière, de la touche étirée et répétées suivant l'ondulation des volumes se manifeste d'ailleurs bien plus lisiblement encore, parce que développé plus largement, dans bon nombre de pièces de satin, de manteaux de velours et autres vêtements représentés par Champaigne. La "capa magna" du cardinal de Richelieu est régulièrement traitée de la sorte (Portrait en pied du Louvre ou de la Chancellerie des Universités à la Sorbonne), comme la chasuble dans le Portrait de Jean-Pierre Camus, évêque de Belley à Gand, et, de manière plus marquée, la robe de Pomponne de Bellièvre dans le portrait d'Aix-en-Provence. Pour ce qui concerne notre tableau, c'est la partie droite de l'écharpe de satin qui nous semble pouvoir supporter honorablement, sur ce point, la comparaison avec ces quelques exemples.

Philippe de CHAMPAIGNE, Pomponne de Bellièvre, vers 1651-1653, huile sur toile, 105 x 82 cm. Aix-en-Provence, musée Granet. (détail).

Le rendu de la dentelle du col, dans notre tableau, est marqué par une touche vivement descriptive dont la nervosité risquerait d'étonner, chez Philippe de Champaigne. D'autant plus que certains motifs sont distinctement gravés à la pointe dans la pâte encore fraîche avec, par endroits, une liberté déconcertante. La chose reste discrète et sans commune mesure avec ce que l'on peut observer chez Rembrandt mais elle est manifeste.

Philippe de CHAMPAIGNE ou atelier (?), Portrait de Louis de Béthune Charost, vers 1650 (détail).

La question de savoir si il se trouve des exemples de tels graphismes dans quelqu'autre tableau de Philippe de Champaigne est légitime. Nous pensons en desceller au moins un - avec toute la prudence toujours, qu'impose un constat d'après photographie - dans le Portrait de Martin Barcos, abbé de Saint-Cyran reproduit en page 167 du catalogue Philippe de Champaigne (1602 – 1675), Entre politique et dévotion, sous la direction d'Alain Tapié et Nicolas Sainte Fare Garnot. Dans le bandeau de dentelle ajourée courant sur l'épaule droite de l'abbé, un fin réseau de lignes semble bien correspondre à des tracés obtenus à l'aide d'une pointe ou d'un manche de pinceau.

Philippe de CHAMPAIGNE, Portrait de Martin Barcos, abbé de Saint-Cyran, 1646, huile sur toile, 0.75 x 0.59 cm. Paris Etienne Bréton, Blondeau et Associés (détail).

Nos limites

En dépit des convergences et des ressemblances, il convient de rester réservé. Si nous pensons avoir réuni assez d'éléments pour faire admettre que l'auteur du Portrait de Louis de Béthune Charost manifeste une manière intimement liée à celle de Philippe de Champaigne, tant et si bien que les deux pourraient n'en faire qu'une, nous ne pouvons revendiquer pour autant, une attribution définitive à ce dernier.

Dans son article Être ou ne pas être...de Philippe de Champaigne publié dans le catalogue A l'école de Philippe de Champaigne, dirigé par lui-même, Dominique Brême adressait un rappel à l'historien de l'art - valant plus encore pour l'amateur ! - qui « … doit être conscient de ses limites, et particulièrement de ses capacités à faire le tri entre le bon grain et l'ivraie, entre l'original et la réplique, entre celle-ci et la copie. Aussi critique soit son regard, il ne peut percevoir, dans le monde infiniment petit du toucher le plus soigné, des critères d'évaluation véritablement discriminants. […]. Lorsque les meilleurs artistes se sont pliés à la discipline commune du dessin, à l'apprentissage du broyage des couleurs, lorsqu'ils ont adopté jusqu'aux gestes les plus mesurés de leur maître […], au prix d'un retrait de leur propre ego qui devrait forcer l'admiration, il n'y a plus guère de différence entre une œuvre originale du chef d'atelier, dont les fonds auraient été préparés par quelques collaborateurs, et une excellente copie du même disciple, retouchée par le maître. ». Or, il faut rappeler ici l'étroitesse de la collaboration entre Philippe de Champaigne, Jean-Baptiste Champaigne, son neveu, et Nicolas de Plattemontagne au sein de l'atelier ; collaboration inhérente, selon Dominique Brême, aux partis pris esthétiques du maître et au fonctionnement de ce même atelier ayant conduit à la production de nombreuses copies, véritables images épiphaniques reposant sur « la transposition quasi spontanée du même au même » (p.22). Et il est incontestable que dans cet ensemble, ainsi répliqué ou copié, l'attribution de certaines compositions, à Philippe, Jean-Baptiste ou Nicolas fait encore l'objet de débats entre spécialistes.

Mais peut-on appliquer à une oeuvre dont le sujet reste profane, des considérations et des pratiques qui prennent surtout leur sens dans le contexte de la création religieuse ? Il vaudrait mieux s'en garder, d'autant, qu'à notre connaissance, pour ce qui concerne ce portrait de Louis de Béthune, aucune gravure, aucune copie d'atelier ou autre version peinte ne vient accréditer clairement l'idée d'une composition originale de Philippe de Champaigne éventuellement perdue, dont le succès ou d'autres impératifs auraient pu motiver la répétition. En revanche, nous pouvons raisonnablement considérer que dans un contexte d'intense activité du maître, quelque membre de l'atelier pouvait se voir attribuée la charge d'une commande jugée secondaire et se substituer à lui, partiellement ou entièrement, en jouant de sa capacité exercée – sans doute mieux qu'ailleurs - à copier fidèlement sa manière. La notion de copie y perd évidemment beaucoup de son Mystère - et du reste, il ne s'agit plus là, à proprement parler de la copie d'une image - mais le résultat matériel pourrait bien être le même à savoir, la production d'une peinture très liée à la main du maître et pour tout dire, confondante.

Le cas du Portrait de deux hommes, dit portrait de François Mansart et de Claude Perrault, 1656, hst 88 cm x 117 cm, du Louvre, parfois donné à Philippe de Champaigne, parfois à Jean-Baptiste, doit nous alerter sur ce point et inciter à demeurer prudent. L'homme de gauche n'y arbore-t-il pas une manche de chemise des plus ressemblante à celle de Louis de Béthune ?...

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25 janvier 2015 7 25 /01 /janvier /2015 13:26
ATTRIBUTION : Un nouveau tableau de Philippe de Champaigne? (Partie 2)
Philippe de CHAMPAIGNE ou atelier (?), Portrait de Louis de Béthune, duc de Charost, vers 1650, huile sur toile, non signée, non datée, 72 cm x 60 cm. Collection particulière.

Pour accéder à la partie 1 http://van-acker.over-blog.com/2015/01/un-nouveau-tableau-de-philippe-de-champaigne.html

Comparaison n'est pas raison...

…toutefois, en nous limitant à comparer ce qui est comparable, nous voudrions parvenir à mieux justifier notre proposition d'attribution, avec des moyens qui ne vaudront certes jamais une confrontation des œuvres elles-mêmes mais qui sont les seuls que nous puissions utiliser ici.

ATTRIBUTION : Un nouveau tableau de Philippe de Champaigne? (Partie 2)
Philippe de CHAMPAIGNE, Louis XIII (1601 – 1643), roi de France, vers 1635, huile sur toile, 75 cm x 62 cm. Paris, Musée Carnavalet.

Le Louis XIII (1601 – 1643), roi de France, du Musée Carnavalet constitue un bon relais voire un substitut observable au Portrait de Henry II d'Orléans duc de Longueville qui nous manque. On y constate que dans un cadrage fort resserré par rapport au portrait en pied, Champaigne trouve encore assez d'espace et d'éléments pour y exprimer ce sens de la peinture qu'il doit à ses origines flamandes et se satisfaire du dessin minutieux des dentelles, d'une lumière descendant en léger oblique pour sortir les trois quarts du visage de l'ombre, faire briller le métal de la cuirasse et le satin d'une écharpe de commandement blanche dont le drapé structuré est traité avec soin et fermeté : une manière de tempérer l'austérité du portrait militaire par une préciosité bien venue. Malgré ce travail de surface, la psychologie ou plus simplement « l'air » du modèle n'échappe pas au peintre, pas plus que la présence physique des choses décrites.

Les détails du Portrait de Louis de Béthune, duc de Charost donnés ci-après, montrent que l'auteur de ce tableau s'est manifestement appliqué à moduler dans le même esprit, ces points forts sur lesquels il est possible de faire œuvre sensible tout en conservant ce que le sujet exige de rigueur.

Nous attendons la réouverture des salles du XVII è siècle, au Musée Carnavalet, actuellement en rénovation, pour nous engager dans des rapprochements plus techniques entre les deux oeuvres.

ATTRIBUTION : Un nouveau tableau de Philippe de Champaigne? (Partie 2)
Philippe de CHAMPAIGNE ou atelier (?), Portrait de Louis de Béthune, duc de Charost, vers 1650, huile sur toile, non signée, non datée, 72 cm x 60 cm (détail). Collection particulière.
ATTRIBUTION : Un nouveau tableau de Philippe de Champaigne? (Partie 2)
Philippe de CHAMPAIGNE ou atelier (?), Portrait de Louis de Béthune, duc de Charost, vers 1650, huile sur toile, non signée, non datée, 72 cm x 60 cm (détail). Collection particulière.
ATTRIBUTION : Un nouveau tableau de Philippe de Champaigne? (Partie 2)
Philippe de CHAMPAIGNE ou atelier (?), Portrait de Louis de Béthune, duc de Charost, vers 1650, huile sur toile, non signée, non datée, 72 cm x 60 cm (détail). Collection particulière.

Soulignons, pour persévérer dans le registre de la comparaison, les similitudes probantes qui lient notre tableau au Jean-Baptiste Colbert, du Metropolitan Museum of Art de New York. La seule observation d'après photographie n'autorise aucun commentaire définitif - on le regrette - sur le traitement du col, qui nous intéresse au plus haut point, mais à défaut, il reste possible de montrer que l'éclairage, la distribution des zones d'ombres et de lumières sont en parfait accord, d'un visage à l'autre, sachant que les différences notables que l'on constate autour des yeux, sont dues dans notre tableau, à une restauration ancienne ayant consisté à réduire une importante déchirure de la toile, à cet endroit, sans parvenir à redonner l'éclat du regard et le plissé des paupières. Mais ailleurs, le dessin de la bouche, l'ombre portée du nez, celle de la lèvre inférieure sur la partie droite des visages sont identiques.

ATTRIBUTION : Un nouveau tableau de Philippe de Champaigne? (Partie 2)
Philippe de CHAMPAIGNE ou atelier (?), Portrait de Louis de Béthune, duc de Charost, vers 1650, huile sur toile, non signée, non datée, 72 cm x 60 cm (détail). Collection particulière.
ATTRIBUTION : Un nouveau tableau de Philippe de Champaigne? (Partie 2)
Philippe de CHAMPAIGNE, Jean-Baptiste Colbert, 1655, huile sur toile, 92 cm x 72 cm. New York, Metropolitain Museum of Art (détail).
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12 janvier 2015 1 12 /01 /janvier /2015 16:31
ATTRIBUTION : Un nouveau tableau de Philippe de Champaigne ? (Partie 1)
Philippe de CHAMPAIGNE ou atelier (?), Portrait de Louis de Béthune, duc de Charost, vers 1650, huile sur toile, non signée, non datée, 72 cm x 60 cm. Collection particulière.

Rapportée au tableau reproduit ci-dessus, la question ne manquera pas de surprendre...

Les compositions les plus connues de cet artiste sont d'abord religieuses et difficilement comparables à ce type de portrait militaire un peu convenu. Par ailleurs, puisque le catalogue raisonné de Philippe de Champaigne établi par Bernard Dorival ne fait pas mention d'un portrait de Louis de Béthune, duc de Charost - ou de quelque chose d'approchant - il faut admettre que l'idée d'attribuer notre tableau à cet artiste incontournable de la peinture française du XVII è siècle ou à son atelier est surtout intuitive... et risque de paraître bien prétentieuse. Aussi, à travers ce premier article sur le sujet, bornerons-nous l'exercice à essayer de rendre notre proposition au moins... plausible. Ce serait déjà pas mal...

Pour cela, il faut sans doute en passer par d'autres œuvres moins réputées du même auteur - conservées ou considérées comme perdues - et s'arrêter aux détails, sans oublier de formuler les réserves qui doivent naturellement s'imposer.

Reconnaissons d'abord que de tels portraits de militaires en cuirasse – puisque c'est bien là, le sujet de notre tableau – bien que rares, ne sont pas exceptionnels chez Philippe de Champaigne, ni réservés à la seule personne de Louis XIII. Sans souci d'exhaustivité, citons deux exemples parvenus jusqu'à nous à travers une gravure de Jean Morin ; le Portrait de Nicolas de Neufville, marquis de Villeroy, Maréchal de France et une autre de Robert Nanteuil ; le Portrait de Henry II d'Orléans, duc de Longueville ( reproduite ici) où l'on voit que Champaigne a pu adopter à dessein, l'archétype du modèle raide, montré de trois quarts, fixant le spectateur par le regard, imposant avec une économie de moyens, le respect et la dignité qui conviennent à la fonction que le portrait militaire a à remplir.

ATTRIBUTION : Un nouveau tableau de Philippe de Champaigne ? (Partie 1)
Robert NANTEUIL, d'après Philippe de CHAMPAIGNE, Portrait de Henry II d'Orléans, duc de Longueville, 1655. Paris, Cabinet des estampes.

Il semble que le tableau qui nous occupe pourrait aisément trouver sa place dans un tel recours à des formules éprouvées où têtes et bustes seraient plus ou moins interchangeables en ne subissant que de très faibles adaptations d'une commande à l'autre. Cette pratique d'atelier, n'était pas rare, même si elle peut surprendre ou décevoir. Si nous l'admettons pour Champaigne, alors, la proximité apparente du Portrait de Henry II d'Orléans avec le Portrait de Louis de Béthune, duc de Charost dont nous cherchons l'auteur pourrait s'avérer déterminante dans nos perspectives d'attribution. Mais objectivement, elle ne peut dépasser d'autres arguments d'évidence qui voudraient que de tels archétypes aussi élémentaires, peuvent parfaitement, à une époque donnée, convenir à plusieurs artistes autant qu'à un seul ou encore qu'ici, la correspondance entre les « costumes » serait d'abord due à une concordance de temps et de mode, si l'on peut dire.

Il n'en reste pas moins que Nanteuil, traduisant une peinture de Philippe de Champaigne - et avec quel acharnement, parfois, à en croire Filippo Baldinucci - ne se contente pas d'en décrire le seul schéma. Il s'attache à en rendre toutes les qualités ; la subtilité du modelé, les doux passages des ombres aux lumières, la surface des matières, autant que « l'esprit d'ensemble ». C'est aussi cet « esprit d'ensemble » propre à Philippe de Champaigne que nous croyons commun au Portrait de Henry II d'Orléans et à notre tableau, en dépit de quelques déséquilibres dans les lumières de ce dernier qui résultent d'une ancienne restauration. Mais en l'absence du Portrait de Henry II d'Orléans, peint de la main même de Philippe de Champaigne, il serait hasardeux de trop s'accrocher à un prétendu « esprit d'ensemble » par trop subjectif, transmis, qui plus est, par l'estampe, non par la peinture.

On se contentera donc d'affirmer que ces deux gravures suffisent au moins à montrer que Philippe de Champaigne a pratiqué le portrait militaire sous cette forme et ailleurs que dans ses diverses et très connues versions de Louis XIII en cuirasse. Que ces portraits paraissent étrangers à la vitalité contenue des compositions les plus marquantes de notre artiste, que s'y ressente plus de convention que d'invention, ne doit pas nous déconcerter davantage, si l'on s'arrête sur Le prévôt des marchands et les échevins de la ville de Paris. Dans ce portrait de groupe visible au Louvre, domine une raideur solennelle des corps qui tient le spectateur à distance, de manière assez comparable, jusqu'à l'entraver volontairement dans sa prise en compte plus intimiste des modèles en présence. Il s'agit là de se conformer surtout aux exigences de la commande et au statut des portraiturés.

ATTRIBUTION : Un nouveau tableau de Philippe de Champaigne ? (Partie 1)
Philippe de CHAMPAIGNE, Le Prévôt des marchands et les échevins de la ville de Paris, 1648, huile sur toile, 200 cm x 271 cm. Paris, Musée du Louvre.
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28 janvier 2007 7 28 /01 /janvier /2007 15:16

     

      Ouvrir la rétrospective d'un artiste par son portrait n’est pas rare. C’est même une manière courante de faire connaissance ; une forme de présentation. Ouvrir la même rétrospective par un autoportrait doublerait ces présentations trop formelles d’une entrée en matière bien plus subtile et signifiante.

C’est à cette thématique que sensibilise d’emblée la très belle exposition Jacques Stella qui se tient actuellement au musée de Beaux-Arts de Lyon (jusqu’au 19 février 2007).

Vous trouverez sans peine, les quelques éléments biographiques qui vous permettront de situer ce peintre français du XVIIè siècle parmi les incontournables Nicolas Poussin, Simon Vouet, Sébastien Bourdon, Laurent de la Hyre, Eustache Le Sueur, Jacques Blanchard et j’en passe, la liste serait trop longue. Jacques Stella donc…

 

Portrait de Jacques Stella (Autoportrait ), hst , 84 x 67 cm, Lyon musée des Beaux-Arts.

 

C’est ce visage un peu dur qui accueil le visiteur de l’exposition lyonnaise. Qu’il s’agisse de l’image de Jacques Stella (1596 – 1657) ne fait aucun doute : elle est clairement identifiée par la nièce de l’artiste, Claudine Bouzonnet Stella qui fit la gravure du tableau même en précisant dans la lettre : Jacques Stella, Premier Peintre du Roy Chevalier de l’ordre de St Michel. La datation quant à elle, tourne autour de 1640 et s’accorde assez avec l’âge apparent du modèle entre quarante et cinquante ans. On peut donc passer au tableau suivant ; les présentations sont faites.

Sauf qu’une observation plus attentive de cette peinture ne peut manquer de surprendre qui connaît un peu la manière de Stella. Dans un premier temps, on trouvera extraordinaire qu’un artiste puisse ainsi moduler son écriture au point de la rendre si directe et sentie quand elle nous semblait ailleurs si méditée et appliquée. Il est vrai qu’un portrait d’artiste - a fortiori un autoportrait - peut aussi offrir l’occasion de manifester quelques libertés. Puis, apparaît l’éventualité d’une attribution erronée. L’auteur ne serait pas celui avancé. L'autoportrait n'en serait donc pas un.

Le doute remonte en fait à 1856 et depuis, plusieurs spécialistes ont proposé d’y reconnaître tour à tour la main de Vouet, de Bourdon et même de Hals, entre autres, pour s’accorder finalement sur Stella.

Le catalogue de l’exposition nous informe toutefois que Jean-Pierre Cuzin prépare une nouvelle proposition (à paraître) en avançant le nom de Charles Le Brun.

Même s’il faut attendre la parution de l’article et même si cette proposition semble déjà rencontrer quelques réticences, je la trouve plutôt convaincante lorsque je compare le Portrait de Stella qui nous occupe à celui de Louis Testelin peint par Le Brun et qui lui est sensiblement contemporain.

 

Louis Testelin, par Charles Le Brun, hst, 64 x 52 cm , vers 1650, Paris musée du Louvre.

 

Même simplicité efficace de la mise en page, même détachement du modèle sur un fond neutre, beaucoup de similitudes dans le traitement des carnations, des cheveux, du col blanc et du manteau… Ces deux œuvres semblent en effet témoigner de sensibilités suffisamment proches pour émaner d’un seul et même auteur.

Alors, si vous vous rendez au musée des Beaux-Arts de Lyon, en faisant connaissance avec le Portrait de Stella, dites-vous qu'il se peut que la main qui vous est tendue en guise de salut… ne soit  tout simplement pas la bonne. 

 

 

 

 

 
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30 septembre 2006 6 30 /09 /septembre /2006 15:29

Je mourrai un jour, d’être trop patient.

 

     En mai 2003, je visitais le Musée de la Marine de Loire à Châteauneuf-sur-Loire ; un musée qui comme son nom l’indique consacre l’essentiel de sa présentation à … la marine de Loire. Pas de raison particulière, d’y croiser un objet remarquable. Je m’y rendais par simple curiosité et divertissement dominical. Nous avions des invités…

En fin de parcours pourtant, je croisais de loin cette somptueuse sainte Catherine d ‘Alexandrie.

 

 

 Sainte Catherine d’Alexandrie, hst, Musée de Châteauneuf sur Loire.

 

 

L’image m’était connue. Je la re-connaissais donc mais avec confusion. Un coup d’œil au cartel placé sous le cadre me permettait de comprendre qu’il s’agissait d’une œuvre anonyme appartenant à l’école française du XVIIème siècle. Anonyme ? impossible ! et tout en scrutant la toile, en usant du recul pour retrouver le premier regard qui m’avait fait voir cette image si " familière ", c’est le nom de Blanchard qui s’imposait.

J’avais, j’en étais certain, un Jacques Blanchard sous les yeux. Le traitement nacré des carnations, le vaporeux des cheveux, la belle lumière tiède, cette posture en léger déséquilibre prise dans un jeu savant de courbes et de contre-coubes qu’une oreille dégagée semblait concentrer en petit dans ses plis compliqués... Le type féminin au visage rempli, tendu vers l’avant et doucement basculé sur le côté... Connaissant La Vierge avec saint Jean-Baptiste et sainte Elisabeth de L’Art Institut de Chicago, le tableau de Musée de la Marine de Loire ne pouvait manquer de résonner en moi.

 

Jacques Blanchard, Vierge à l’Enfant avec st Jean-Baptiste et sainte Elisabeth, (détail) hst, 94 x 122 cm, Chicago, The Art Institut.

 

 

 

      

 Et ce d’autant plus que j’avais déjà croisé dans le catalogue Jacques Blanchard 1600- 1638 de J.Thuillier (1998), page 143, cette gravure de C. David qui montre la version gravée semblant manifestement se rapporter au tableau qui nous occupe.

 

 Charles David, Sainte Catherine d’Alexandrie d’après J. Blanchard. Gravure, 24 x 17 cm. Vers 1630.

 

 Après vérification, j’ai pu constater que pour J. Thuillier, ce tableau était alors considéré comme " perdu ".

L’avais-je retrouvé ?

 

Lors d'un rendez-vous avec Mme Dupraz, conservatrice du Musée, en mai 2003, j’ai su que la toile venait d’être restaurée, qu’elle avait été vue à cette occasion par un spécialiste qui la rattachait sans grande conviction, à l’entourage de Claude Vignon. Aucun recoupement officiel avec Blanchard donc. Tous les espoirs restaient permis.

Je décidais alors de ne pas informer Mme Dupraz de ma découverte probable, ne serait-ce que pour éviter d’ajouter à la confusion ; mon avis même le plus buté, n’ayant aucune valeur scientifique.

Je me tournais plutôt vers M Dominique Brême un de mes anciens professeurs à l’Université de Lille III,  qui s’est rapidement et fort aimablement déplacé pour voir le tableau à Châteauneuf-sur-Loire. Selon lui aussi, il s’agissait bien d’un Blanchard.

Restait à publier " l’affaire " par le biais d’un article auquel il apporterait la caution scientifique nécessaire. Il lui fallait regrouper d’autres nouveautés sur notre peintre, trouver le meilleur espace pour cette publication et surtout, il lui fallait trouver du temps à y consacrer. Je suis d’un naturel patient. J’ai donc patienté trois années, prenant ou recevant quelques nouvelles de temps à autre. Puis, plus aucune.

 

J’ai appris, il y a quelques jours que par un article passé dans la Revue du Louvre d’avril 2006, Moana Weil-Curiel proposait de rendre la sainte Catherine du Musée de la Marine de Loire à … Jacques Blanchard. Je ne sais rien de cette personne dont il faut saluer la perspicacité.

 

Content finalement que l’injuste anonymat qui recouvrait une œuvre aussi remarquable soit officiellement levé. Content mais aussi un peu amère, même si je sais qu’à travers ce sentiment d’amertume c’est essentiellement la vanité qui parle.

 

 

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8 février 2006 3 08 /02 /février /2006 12:39

Portrait de prélat, Gazette de l’Hotel Drouot, hst, Ecole Française, XVIIIè siècle.

Des liens entre une collection et une attribution ou : de ces choses auxquelles le hasard n’est pas étranger.

 

    Le 21 octobre 2005, La Gazette de l’Hôtel Drouot n° 36 publiait en page 161, l’image médiocre d’un tableau avec la légende suivante : " Ecole Française du XVIIIème siècle : huile sur toile encadrée, Portrait de prélat. Dim : 138 x 105 cm cadre bois sculpté "… Pour un peu, on serait mieux informé du cadre que de ce qu’il contient.

    L’œuvre est donc doublement anonyme : pas plus de nom pour l’auteur que pour le modèle.

    La composition triangulaire très marquée campe lourdement le personnage en même temps que son rang. C’est là la fonction du portrait.

    La qualité de la reproduction n’autorise aucun jugement sur la peinture elle-même et les traits peu gracieux du prélat n’invitent pas à voir le tout comme un beau tableau. C’est une autre particularité du portrait : on y confond souvent peinture et figure. Difficile d’aller plus loin donc. Sauf que….

 

Portrait de Joseph-Clément de Bavière, gravure d’ Audran d’après une peinture de Joseph Vivien, 59 x 41 cm. Vers 1715.

 

… par hasard, il se trouve que j’ai dans ma collection cette gravure. C’est une gravure d’ Audran reproduisant le portrait de Joseph-Clément de Bavière, archevêque de Cologne, peint par Joseph Vivien. Je n’ai aucun mérite ; c’est marqué dessus !

 

    Le lien avec l’oeuvre de la Gazette est évident. On y retrouve tous les éléments de la composition avec bien peu de variantes. A part le petit détail de la bague qui dans le tableau est portée à l’annulaire de la main posée sur l’accoudoir du fauteuil alors que sur la gravure, elle se retrouve sur l’autre main ; celle qui relève le manteau d’hermine dans un geste délicat. On pourrait penser que certains s’amusent avec bien peu en déplaçant ainsi des choses aussi discrètes. Mais c’est sans doute parce qu’un tel bijou est d’abord un attribut qui ne se porte qu’à la main droite. La technique de la gravure supposant souvent l’inversion, le graveur Audran aura remis l’objet à la bonne place : tout bonnement celle qui convient.

   En conclusion, je ne peux vérifier si cette peinture passée en vente à Nice, est bien de Joseph Vivien. Il peut s’agir d’une copie d’époque ou d’une œuvre d’atelier. Sans compter que cet artiste étant surtout connu par ses pastels, les caractéristiques de son écriture dans la peinture à l’huile sont encore à définir. Mais je me permets d’en faire ici l’hypothèse…avec l’aide du hasard.

 

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19 novembre 2005 6 19 /11 /novembre /2005 10:42

Vierge à l'Enfant, Ecole française, XVIIè siècle, huile sur toile rentoilée, 86 x 69 cm (photo. La Gazette de Drouot, 1er juillet 2005, N°26, p. 78.

JACQUES BLANCHARD, La vierge à l'Enfant (endormi, à la chaise de bois), gravure anonyme publiée chez Le Blond, 31,8 x 22 cm (reproduite dans Thuillier, Jacques Blanchard 1600-1638, Musée des Beaux -Arts de Rennes, cat. p. 271, 1998.

     Dans l’article " Un dessin italien de XVIIè siècle ? ", je précisais que l’attribution d’une œuvre d’art était affaire de spécialiste. Il faut bien en effet, pour être validée, que toute hypothèse reçoive un soutien scientifique susceptible de faire office de caution. Mais rien n’empêche l’amateur de voir ce qu’il voit et de rapprocher divers éléments concernant un objet d’art " anonyme " jusqu’à se sentir conduit vers le nom de son auteur.

La Gazette de l’Hôtel Drouot N°26 du 1er juillet 2005, reproduisait en page 78 une Vierge à l’Enfant accompagnée du commentaire suivant : " D’abord imputé à l’école italienne du XVIIè, ce touchant tableau a été finalement attribué à l’école française… ". Mais curieusement, aucun nom d’artiste français du XVIIè ne s’était imposé à l’esprit des professionnels de l’art - experts ou commissaires - ayant vu ce tableau avant sa vente les 21 et 22 juin précédents.

Pourtant, " au premier regard ", l’intensité de la relation mère-enfant, la douceur de la lumière effleurant les corps, le vaporeux des cheveux d’un blond vénitien, le modelé des mains un peu molles, le balancement mesuré entre idéalisation du visage de la Vierge et détails réalistes - coiffure légèrement défaite, chaise rustique en guise de trône - auraient dû suggérer un nom : Jacques Blanchard.

La comparaison avec une autre très belle Vierge à l’Enfant (endormi) de notre artiste contemporain de Vouet conservée au Musée des Beaux-Arts de Clermont-Ferrand, permet de confirmer cette première impression. On pourrait presque s’arrêter là. Mais une pièce complémentaire peut encore être facilement versée au dossier.

Il existe une version gravée de cette composition reproduite en page 271 du catalogue de Jacques Thuillier édité en 1998 à l’occasion de l’exposition Jacques Blanchard 1600 – 1638. Malheureusement, le graveur de cette feuille anonyme n’interprète pas au mieux la douceur et les subtilités de l’original mais il en fournit une description assez scrupuleuse ( quoiqu'inversée comme souvent ) pour lever tout doute quant aux liens unissant les deux images.

Reste qu’il faut émettre les réserves d’usage. Si l’invention de la composition revient bien à notre artiste français - ce qui est incontestable et suffisait pour parler au minimum d’atelier de Blanchard – qu’en est-il du tableau reproduit dans La Gazette ?

Il faudrait pouvoir l’observer directement pour répondre ; vérifier que dans sa facture même se retrouve bien l’écriture de Jacques Blanchard. Une simple reproduction de qualité assez médiocre ne permet pas de telles investigations. C’est pourtant tout ce dont je dispose. Je ne peux donc aller plus loin tout en admettant l’existence d’un doute purement méthodologique tant la conviction est forte.

 

 

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